Diane, déesse, pécheresse et princesse

Il était une fois, dans un temps qui n'existe plus, il y a presque 25 ans, un jeune couple. Unis depuis quelque temps par les liens sacrés du monde divin et se promenant au milieu des pâquerettes et des coquelicots, ils discutaient avec passion de l'avenir du monde. Que faire, se disaient-ils, pour le rendre meilleur?
Plus les heures passaient, plus une seule réponse s'imposait à eux: la naissance d'un être unique, symbole même de la perfection, qui réunira les hommes sous sa bannière et embellira le monde par sa simple présence.
Cette idée ne plut pas au conseil des dieux lorsqu'elle y fut présentée, une rumeur parcourut les bancs de l'assemblée: "Ce jeune couple est fou, le maître suprême va les tuer".
Cependant ce dernier restait muet et écoutait d'un air indifférent les arguments des uns et des autres. Puis il se leva et dit: "Que cet enfant naisse, que ce soit une fille et nous verrons bien alors quel sera son destin!"


Des cris de désespoir s'élevèrent du public. Le jeune couple s'en alla effondré, gardé par les Chiennes de garde et soutenu par le MLF.
Peu importe, sous une pluie d'étoiles filantes, le couple décida de ne pas tenir compte de la malédiction.

La petite Diane était née. Ses parents l'avaient appelée ainsi en souvenir d'un mythe qu'on leur avait raconté bien des fois. Dans un univers lointain, une déesse, Diane, était née pure et sans défauts. Elle avait grandi sans se laisser corrompre par les désirs de son corps et elle était restée chaste. Elle poursuivait de toutes ses forces les méchants et récompensait les justes. Le monde qu'elle avait créé autour d'elle était paradisiaque, tous tombaient sous son charme et la suivaient sans hésiter. Tel était l'objectif que ce jeune couple avait donné à leur fille.
Mais ils étaient prudents. Le maître suprême des dieux, même s'il avait béni la petite Diane et l'avait présentée au monde entier, restait sur ses gardes, la malédiction lancée ne l'avait pas tout à fait rassuré.
Aussi ses parents décidèrent de cacher et d'élever Diane au milieu des pâquerettes et des coquelicots où son destin avait été scellé: ses talents, sa précocité, son intelligence, son charme devenaient trop éclatants pour qu'ils passent inaperçus.

Diane est devenue une jeune femme. Mais ses formidables qualités, bridées pendant si longtemps au milieu des pâquerettes et des coquelicots, ne sont plus visibles. Ses parents, croyant bien faire, ont fait d'elle une fille ordinaire. Elle hait ces pâquerettes et ces coquelicots et n'a qu'une seule envie partir. Elle sent tout le temps de son destin sur ses épaules et toute la menace qui pèse sur elle, ses parents le lui ont mille fois répété. Elle étouffe, se sent incapable.
"Peu importe, destin ou pas, je pars", dit-elle en claquant la porte.
Mais que faire? où aller? qui voudra l'accueillir?
"Si je dois me cacher, alors autant que ce soit au milieu d'une foule immense et au plus près du pouvoir. M'ayant constamment sous ses yeux, le conseil des dieux ne se méfiera plus de moi et me laissera en paix."
Diane part alors vers la Ville Sans Nom et Sans Visage.

La Ville Sans Nom et Sans Visage remplissait toutes les attentes de Diane. Elle réalisait tous ses rêves et avait même réussi à entrer dans les cercles très étroits qui s'étaient constitués auprès du maître suprême. Ce dernier l'avait prise sous son aile et ils se rapprochaient au fur et à mesure que le temps passait...
C'est dans cette Ville Sans Nom et Sans Visage, où seul l'avait accompagné Beb d'Am, son fidèle compagnon, qu'elle rencontra Ezec et Adrien (surnommé ainsi par un esprit malveillant).


Pourtant quelque chose lui manquait, elle ne se satisfaisait pas tout à fait de cette vie. Un soir chaud de juillet, son destin frappa à sa porte et elle ne put plus jamais la lui fermer...

Tel l'Archange Gabriel venant annoncer la naissance de Jésus à Marie, le destin de Diane lui apparut comme un pur esprit.
"Qu'as-tu fait, Diane, pendant ces deux ans passés dans cette Ville Sans Nom et Sans Visage? Pourquoi tous ces errements? Bien sûr, tu vis, tu es heureuse, tu n'es plus pourchassée, mais est-ce vraiment cela que tu veux? est-ce cela le bonheur que tu recherches? Regarde autour de toi et prends conscience du monde dans lequel tu vis."

"Mais que puis-je faire? Je ne suis pas à la hauteur de mon destin, si vraiment il est tel que me l'ont décrit mes parents."

"Je suis là devant toi et tu ne crois toujours pas en moi. Ouvre les yeux et renonce aux tentations de la chair qui brouillent ton esprit."

"Cela m'est impossible. Les tentations sont trop fortes."



"Je comprends, mais réfléchis bien".
Puis le destin de Diane partit, non sans lui avoir promis de revenir, ce qu'il fit encore et encore pendant des mois, si bien qu'ils devinrent très proches.

Lors de ces longues discussions avec son destin, Diane lui raconta comment elle en était arrivée là. Il écoutait patiemment le plus souvent...
C'est donc dans la Ville Sans Nom et Sans Visage qu'elle mit intensément en pratique ce qu'elle avait tout juste commencé à expérimenter au milieu des pâquerettes et des coquelicots
Elle butinait de fleurs en fleurs, ne sachant vraiment où poser son regard. Comment aurait-elle pu? Des milliers d'êtres vivaient, naviguaient autour d'elle et elle ne pouvait résister à leurs chants.



Ce n'était pas toujours une réussite, mais bon elle passait le temps.
Le seul avantage qu'elle tira de ces diverses rencontres, ce fut la connaissance d'Ezec et d'Adrien, qui, un jour, excédés par les bruits qui venaient de chez elle, se décidèrent à les faire cesser une fois pour toutes. Finalement ce fut de la complicité qui s'installa entre eux, après avoir plaisanté sur les visiteurs de Diane et mis en place un carnet de notes pour les évaluer.

Mais la rencontre essentielle que fit Diane pendant ces deux ans, ce fut avec le maître suprême des dieux, rencontre qui devait changer sa vie et qui avait poussé son destin à intervenir.

Si Diane était instable, c'est qu'elle cherchait le grand amour, le vrai et qu'elle l'attendait impatiemment.



Hélas! c'est une espèce bien rare. Alors Diane continuait pendant ce temps à rêver au super héros.



Jusqu'au jour où elle rencontra le maître suprême des dieux...
Ce n'était pas elle qui était venue vers lui, mais c'était lui qui l'avait fait venir dans sa résidence officielle juste après son arrivée dans la Ville Sans Nom et Sans Visage.

Le maître suprême des dieux fit venir Diane pour savoir quelle était cette jeune femme qui devait changer le monde et l'ordre qu'il avait créés. Il fut rassuré. Elle était ordinaire. "Quoi? se dit-il. C'est cette femme dont tous les prophètes ont annoncé la venue? C'est une plaisanterie? Le cosmos s'est joué de moi en annonçant ma fin prochaine à cause d'elle."
Il la fit partir, mais il la fit revenir. Malgré sa première impression, quelque chose avait retenu son impression, il ne savait quoi exactement, mais il ressentait le besoin de la revoir.
Elle revint encore et encore. Le maître suprême des dieux lui donna même un emploi dans son conseil. Ce n'était pas très important comme emploi, c'était même un CPE, mais elle travaillait en étroite collaboration avec lui.
Ezec et Adrien s'inquiétaient de cette proximité, ils voyaient le danger qu'elle courait. Ils voyaient Diane changer petit à petit: elle devenait lunatique, rêveuse, mélancolique. Ils la sentaient heureuse bien sûr, mais avec une gigantesque tristesse dans les yeux. Ils essayèrent de la prévenir, mais en vain.